Les rayons se subdivisaient comme dans un Packman géant, Ash passait entre les pyramides d’offres promotionnelles pour aller trouver les rations d’urgence - de glucose et de lactose, le genre de merdes avec beaucoup de chocolat, beaucoup de sucre, et une bouteille d'eau pour se la jouer un minimum saine. - Ses baskets couinaient contre le carrelage parfaitement lessivé du walmart, y avait une fille qu’était sagement occupée à coller des étiquettes sur les paquets de papier-cul qu’elle organisait en piles de paquets de six, et le pire c’est qu’elle avait l’air foutrement passionnée, quand Ash… Ash et bien se demandait ce qu’elle pouvait bien faire là, après les cours, les écouteurs plantés dans ses oreilles sans musique aucune, et les mains dans les poches. Elle aurait bien acheté de la crème glacée, mais sa mère se serait doutée de quelque chose, vu qu’elle commence à enchaîner les pots. Ses sourcils se rapprochaient dangereusement, et puis elle avait atterri dans le coin jeux vidéos. C’était le genre d’endroit qu’elle portait en horreur depuis gamine. Peut-être les caissières qui lui évoquaient des souris au travail, avec leurs petites mains agiles, ou la lumière des néons au plafond de trente-six mètres de haut qui clignotait sans cesse. Puis Ash n’avait pas été élevée aux merveilles de Mountain View, ses parents la faisaient voler à droite à gauche, pour des petits boulots de profs, du coup elle s’habituait pas à la routine des supermarchés. Elle était pas particulièrement timide, elle était juste pas faite pour être quelqu’un de doué pour la vie en société: ça fonctionnait qu’au lycée ça. Ouais, elle se projetait pas sur les années, se demandait pas si elle aurait deux, trois gosses et un gros chien. Ash, elle aimait bien être petite. Elle aimait pas ressasser le passé.
Aujourd’hui son passé lui était rentré droit dedans: Aedan Chadwick. Lui aussi elle aimait se dire, qu’il avait pas fait partie de ses maquettes d’avenir, de sa petite vie parfaite qu’était plus qu’un leurre, qu’un flou, ajouté sur le tas de linge sale d’Ashira Sheridan. Dix-huit ans et décidément conne. Pardon j'étais ailleurs, Chadwick. Elle l'avait pas appelé par son nom, depuis leur rupture sans doute. Mais elle était pas bien délicate, comme fille.

C'est d'un air las et pas du tout enthousiaste qu'Aedan s'aventura dans le magasin de grande surface. C'était lui qui était de corvée courses aujourd'hui, malheureusement pour lui. Ce n'était pas quelque chose qui lui faisait plaisir, ça c'était certain. Aedan aurait largement préféré être à un autre endroit et faire autre chose en ce moment même mais bon, c'était impossible. Cependant, le jeune homme ruminait seul et ne se plaignait pas. Il n'avait de toute manière pas le choix et il ne se voyait pas dire à son frère qu'il avait autre chose à faire. Aedan avait tout de même du respect, surtout pour lui et donc il trouvait que dire ça, n'était pas une chose à exprimer. Alors même s'il n'appréciait pas cette tâche à faire, il le faisait quand même, râlant seul. Le lycéen s'aventurait alors dans les différents rayons et à vrai dire, il ne faisait même pas attention à ce qu'il mettait dans son caddie. Aller aux courses ça passait encore, mais faire attention et s'attarder sur les produits, ça non. Ca lui donnait plus mal à la tête qu'autre chose. Donc il prenait des choses par-ci et par-là et seulement ce qu'il jugeait être nécessaire. Aedan avançait doucement entre les rayons, en regardant autour de lui et, il fallait l'avouer, se permettant la plupart du temps de bien regarder les vendeuses présentes aux différents endroits. Le jeune homme arriva au sein du rayon jeux vidéos et alors qu'il s'y arrêta, un léger sourire se dessina sur ses lèvres. C'était sûrement la chose la plus intéressante ici. Même s'il ne passait pas tout son temps à jouer, Aedan aimait bien le faire de temps en temps. il se mit donc à regarder les nouveautés, quelque chose qui pourrait bien prendre aujourd'hui et après être resté un moment figé, il en choisit deux et recommença à avancer tout en regardant toujours ce qui était présenté. Jusqu'au moment où sa maladresse prit le dessus et qu'il bouscula une personne. Il posa son regard sur la personne et leva les yeux au ciel. Sur toutes les personnes de la ville, il devait tomber sur Ash les rares fois où il allait aux courses alors que moins il la voyait, mieux il se portait. Il était assez rancunier, c'était sûr et depuis toutes leurs histoires, il avait tout fait pour l'éviter au maximum et si ce n'était pas le cas, il prenait bien le soin de l'ignorer lorsqu'il la voyait ou alors de la narguer, entre autre. Le lycéen avait encore du mal à digérer ce qu'il s'était passé. C'était sûrement la pire relation qu'il a eu en y repensant, dans le sens où jamais une fille ne lui avait fait un pire coup. Enfin. Aedan était bête parfois, Aedan ça lui arrivait de pas réfléchir, Aedan faisait parfois des choses immatures. Mais là, il avait pas vraiment réfléchi et il mit discrètement un des jeux qu'il avait dans sa main à l'intérieur du sac d'Ash. A la phrase prononcée par son ex, il haussa simplement les épaules et passa à ses côtés pour partir en caisse. Des excuses pour l'avoir bousculée ? Il ne savait pas si elle en attendait en ayant dit ça ou même tout court mais c'était certain qu'il n'allait pas du tout lui en faire. Il n'en ressentait pas l'envie, sûrement pas.

Il leur manquait un bandana entre le nez et le menton, de quoi les rendre voyous, mais c’était juste deux gens un peu fous qu’avaient brisé une longue promesse pas raisonnable. Ash sonnait tout bas, on aurait dit qu’elle voulait pas se faire entendre par Aedan. Très vite il lui tourna le dos, c’était au figuré, c’était pas par texto, après un appel normal pour se raconter une longue journée l’un sans l’autre, quand elle avait écrit qu’elle préférait rompre. Pourtant ils aimaient bien parler de tout et de rien, ils faisaient ça tous les soirs parce qu’ils ressemblaient aux jolis couples dans les films pour adolescentes désabusées. Aujourd’hui c’était à elle d’être laissée derrière. La réalité allait vite en besogne: dernièrement, non elle avait pas été une bonne personne. On pouvait la frapper, si ça aidait bien sûr, mais à la place son petit sac à dos innocent qu’elle portait à la place des sacs à mains qu’ont toutes les filles se balança contre ses omoplates et Ash rejoint Aedan dans la file d’attente. Ouais ses baskets frottent encore le carrelage des rayons dans sa tête, elle se rappelle les minutes où elle était seule, ou personne la remettait à sa place en prouvant qu’elle avait changé. Trop changé pour être quelqu’un d’bien. Peut-être qu’Ashira se blesse en admettant que le regarder lui fait pas grand chose, qu’elle pourrait s’en aller sans le regarder maintenant, que, c’était pas un film avec Aedan. De toute manière elle voulait Aedan parce qu’il était normal et qu’elle allait de travers, mais en fait, il était pas mieux qu’elle, pas vrai? Aedan aussi, il a des élans sombres et des étoiles éteintes au fond des yeux, des faux-espoirs qui remontent le matin dans sa gorge, qui le prennent dans son indiscernable sensibilité, un jour il va s’faire attraper, comme Ash qui sonne, une fois qu’Aedan est sorti du courroux d’la vendeuse qui la toise d’un mauvais œil. Ah. Non elle peut pas le nier; c’est une voleuse à la con, elle a prit tout d’lui et puis elle l’a écrasé au possible avant de le foutre à terre, et non, non elle peut même pas articuler que c’est pas elle. C’est Ash. C’est une voleuse. Elle voudrait être une fille jolie et gentille qui grandit avec des fleurs dans les cheveux, pas du rouge honte sur les joues. Maintenant y a la caissière qui demande son sac et elle l’pose, l’objet du meurtre sur le tapis roulant. Y a cette vieille peau derrière qui la couvre d’un silence embarrassé, mais Ash elle aimerait se tirer d’là. C’était le froid des rayons surgelés qui plaisait au milieu de l’automne, et bientôt on va la menotter pour un jeu d’horreur sur playstation. Pourtant elle a regardé Aedan droit dans les yeux, et elle s’est tue, pendant qu’on la tenait par le poignet, pour la retenir, elle, la fille qui fait que s’enfuir. Tu pouvais pas t’en empêcher, hein? elle glisse à l’oreille du brun.